Airbnb à Lille : la chasse est ouverte !

Justine Roels

Justine Roels

09/07/2024

Afin de limiter la transformation de logements en meublés touristiques (Airbnb, Abritel, Booking ou autres plateformes), la Ville de Lille vient de modifier son règlement municipal en imposant une mesure compensatoire systématique particulièrement contraignante.

L’objectif est clair : intensifier la chasse aux locations saisonnières.

Explications.

Retour sur la règlementation du changement d’usage applicable à Lille depuis 2019

Afin de préserver l’habitat résidentiel et d’éviter la prolifération de bureaux dans sa commune, la Ville de Lille s’est dotée en janvier 2019 d’un règlement municipal fixant les conditions de délivrance d’une autorisation spécifique appelée « autorisation de changement d’usage ».

Cette règlementation reste cependant méconnue du grand public et des investisseurs qui doivent pourtant se conformer à ces règles de plus en plus strictes.

Quelles sanctions ?

Le non-respect de cette règlementation, qui trouve son fondement dans le code de la construction et de l’habitation, est lourdement sanctionnée avec une amende pouvant aller jusqu’à 50.000€, une astreinte de 1.000€ par jour et par mètre carré irrégulièrement transformé, une remise en état des lieux et la nullité des contrats d’occupation conclus (baux commerciaux, professionnels ou autres).

Inutile d’espérer que le temps joue en votre faveur, l’usage d’un local transformé sans autorisation ne peut se régulariser par prescription !

Dans quels cas doit-on demander une autorisation ?

Le principe est simple : en cas de modification de l’usage d’un bien d’habitation en un commerce, un bureau ou une toute autre utilisation, une autorisation spécifique doit être sollicitée auprès de la Direction de l’habitat de la Ville de Lille, indépendamment d’une éventuelle autorisation d’urbanisme (déclaration préalable ou permis de construire), d’une autorisation de la copropriété et du propriétaire si vous êtes locataire.

Par exemple, si vous êtes propriétaire d’un appartement et que vous envisagez de le transformer en bureau, vous devez, en plus de solliciter l’autorisation de la copropriété et de l’urbanisme, déposer à la Direction de l’habitat une demande de changement d’usage en remplissant un formulaire spécifique auquel sera joint un nombre important de pièces parfois complexes à réunir sans l’assistance d’un professionnel.

A l’inverse, si vous êtes propriétaire d’un bien dont l’usage n’est pas l’habitation, vous n’êtes bien entendu pas concerné par cette autorisation. Encore faut-il être certain de l’usage de votre bien…

Détermination de l’usage : attention aux apparences !

S’agissant de l’usage, il convient de ne pas se fier aux apparences, car l’usage n’est pas déterminé par l’affectation actuelle du bien, mais par son affectation au 1er janvier 1970… En effet, au cours de l’année 1970, chaque propriétaire a dû, en principe, souscrire une déclaration permettant d’établir le fichier des propriétés bâties. Un local est donc réputé à usage d’habitation s’il est affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Compte tenu de la difficulté de démontrer cette affectation, les juridictions statuent (actuellement) dans un sens plutôt favorable aux propriétaires, la charge de la preuve incombant à l’administration.

Par exemple, si vous envisagez d’acquérir un bien qui a toutes les apparences d’un bureau (absence de salle de bains, de cuisine, de chambres, etc.) pour y faire une activité autre que résidentielle, il conviendra de vous assurer au préalable que le bien n’était pas à usage d’habitation en 1970.

Pour vous aider dans ces démarches, il est fortement recommandé de vous faire accompagner par un professionnel.

L’application de la mesure aux locations de courte durée

La location de courte durée d’un appartement qui n’est pas votre résidence principale (résidence secondaire ou investissement locatif), notamment via des plateformes en ligne comme Airbnb, Abritel ou Booking, est également concernée par cette réglementation.

Par exemple, si vous êtes propriétaire d’un appartement que vous n’occupez pas à titre de résidence principale et que vous envisagez, afin d’en accroître la rentabilité, de le mettre en location de manière répétée et pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile, vous devez déposer à la Direction de l’Habitat une demande de changement d’usage.

Le durcissement des règles à partir du 1er avril 2024

Si initialement la Ville de Lille a permis en 2019, dans certaines zones spécifiques et après autorisation, la location saisonnière pour une période temporaire de six années non renouvelable, une évolution majeure se dessine à compter du 1er avril 2024 : les demandes d’autorisation de changement d’usage en vue de créer des meublés de tourisme ne seront plus accordées de manière temporaire ; elles seront désormais assujetties au principe rigoureux de compensation, sans possibilité de dérogation.

Cette compensation, qui consiste à transformer en habitation un local ayant un autre usage, devient une condition essentielle pour obtenir une autorisation de changement d’usage. Elle permet de compenser la perte du logement pour lequel vous demandez un changement d’usage.

Par exemple, un propriétaire qui souhaite transformer un studio en Airbnb devra offrir en compensation, dans la même zone, un local commercial pour le transformer en logement classique.

Plus facile à écrire qu’à mettre en place, car rares sont les multipropriétaires qui disposent d’une réserve de biens permettant une telle compensation. Certaines sociétés spécialisées ont d’ailleurs été créées pour permettre d’acquérir des droits de commercialité auprès de tierce personne réalisant l’opération inverse dans la même zone, c’est à dire qui transforme ses locaux réputés à usage autre que d’habitation en locaux à usage d’habitation.

Encore quelques jours de répit…

Ces nouvelles dispositions s’appliqueront à l’ensemble des demandes complètes (formulaire et pièces) réceptionnées à compter du 1er avril 2024 et des demandes incomplètes déposées avant cette date mais complétées à compter du 1er avril 2024.

Si vous souhaitez encore bénéficier de l’ancien dispositif (autorisation temporaire de six années), il ne vous reste plus que quelques jours pour déposer votre dossier complet à la Direction de l’habitat de la Ville de Lille.

En toute hypothèse, si vous êtes propriétaire d’un bien actuellement loué pour de courtes durées, il est important de vous assurer que le bien est conforme à la règlementation et d’envisager éventuellement de régulariser la situation. Bien que cette règlementation soit complexe à mettre en œuvre, des solutions existent et l’accompagnement d’un professionnel, avocat ou notaire, est essentiel.

Me Justine Roels, avocat à Lille

Me Antoine Malbezin, notaire à Lille

Justine Roels
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